jeudi 15 juin 2017

A temps partiel



100 % femme, maman à temps plein, sportive du dimanche, sur le plan professionnel je suis salariée à temps partiel.

Selon le très sérieux Insee, « Un temps partiel est un temps de travail inférieur à la durée légale du travail ou à la durée conventionnelle si celle-ci est inférieure. Il doit obligatoirement faire l'objet d'un contrat de travail écrit. Le travail à temps partiel peut être mis en place sur l'initiative de l'employeur ou du salarié. »

Cette définition est assez conforme à ce que je vis ou presque : je travaille officiellement moins de 35h, c’est d’ailleurs écrit sur mon contrat de travail et nous avons convenu cela avec mon employeur dès le début de mon contrat.

C’était d’ailleurs une des conditions qui m’ont fait signé ce contrat et j’ai eu beaucoup de chance puisque dès le début mon employeur m’a laissé carte blanche. Nous avons défini ensemble mes horaires et mes jours de travail afin que cela corresponde à la fois à la bonne marche de l’entreprise et à mes attentes. J’avoue, je suis comblée car je ne connais pas d’autres endroits où c’est ainsi.

Il faut dire qu’à bien y regarder, je ne suis pas tout à fait à temps partiel puisque j’ai en fait une autre activité à côté, je suis instructrice en massage bébé dans le cadre d’un statut d’autoentrepreneur. Il m’arrive à ce titre de bosser les mercredi et jeudi et même parfois le samedi matin.

Néanmoins, je voudrais m’intéresser ici au seul statut salarié à temps partiel avec ses avantages, ses inconvénients et surtout la manière dont il est vécu.

Avantages et inconvénients du temps partiel

Le temps partiel laisse du temps libre pour faire autre chose. Dans les faits, dans la plupart des temps partiels, il s’agit de femmes (31% des femmes actives sont à temps partiels versus 7% des hommes) qui ont fait ce choix pour s’occuper de leurs enfants. De fait, je passe une grande majorité de mon temps non salarial à gérer les enfants (aller les chercher, gérer les activités, les devoirs, les papiers, les diners, les bains …).  Mais attention, j’adore ça et c’est une volonté de ma part de pouvoir en profiter.

Le temps partiel est source de beaucoup de bienêtre et évite le stress. Je répondrais sur ce point de manière très nuancée. En effet, si le temps partiel est souhaité par le salarié, c’est une véritable bouffée de frais dans la semaine, une petite coupure salvatrice qui permet de souffler avant d’aborder les sujets importants au boulot. Par contre, dans beaucoup de cas, le temps partiel est subi. C’est le cas de beaucoup de métiers précaires et il n’est pas rare de voir alors des salariés cumuler deux temps partiels !

Le salarié en temps partiel ne fait pas d’heures supp ! La loi interdit en effet que le salarié à temps partiel fasse des heures supplémentaires. Seules les heures complémentaires sont autorisées. Dans les faits et au vu de ma propre expérience, les heures en plus sont légion surtout si comme moi tu peux gérer beaucoup de choses depuis ton ordi. Il n’y a pas une journée de la semaine où je ne regarde pas ma messagerie pro pour être sûre que tout va bien ou que je ne réponde à un appel de l’une de mes collègues qui a besoin d’un renseignement ou veut m’informer d’un point. Il m’est aussi arrivé de devoir terminer en urgence une reco le soir ou le weekend… J’ai parfois eu un véritable sentiment de frustration, j’en ai parlé à mon employeur et nous avons trouvé une solution équitable.

Le salarié en temps partiel a les mêmes droits dans l’entreprise. Là encore, oui et non. Il a accès aux congés payés, il peut s’impliquer dans celle-ci sur le plan des syndicats, il a aussi la possibilité de s’absenter pour des événements familiaux majeurs.
Mais le beau roman s’arrête là car le salarié en temps partiel n’aura pas les mêmes droits en cas de licenciement et surtout en matière de retraite puisque tout est calculé au prorata. Il vaut mieux dans ce cas être salarié à temps partiel dans un grand groupe car il y a des conventions et des accords plus favorables.

Le plus gros frein au travail à temps partiel est évidemment la perte de salaire que cela entraine. Je gagne un bon salaire de base mais ramené aux heures effectives de travail, je ne peux pas vivre avec ce salaire. Le massage bébé est un bon complément mais surtout c’est parce que suis mariée que je peux maintenir cette situation. Mon mari est à son compte et a des rentrées d’argent aléatoires et irrégulières. Les mois difficiles, c’est la galère. Les dettes s’accumulent et j’avoue que dès le 10 du mois, j’aimerai qu’on soit déjà le mois suivant. C’est certainement le point le plus difficile car malheureusement on ne vit pas d’amour et d’eau fraiche ! Le temps partiel est sur ce point assez compliqué à vivre surtout pour les femmes dans la précarité.

Je considère que je suis assez gâtée de maintenir ce statut au sein du foyer. Pour le moment, je n’ai pas envie de retourner à temps plein car j’aime disposer de mon temps, j’aime m’occuper de mes enfants (qui me le rendent bien), j’aime reprendre mon souffle loin de l’entreprise, j’aime animer des ateliers de massage bébé. Je ne suis pas une femme d’argent, je privilégie le temps et les moments passés. Mais c’est un luxe auquel je devrais peut-être renoncer un jour.

La plupart des amies ou des mamans que je connais vivent un temps partiel choisi. Elles en profitent.

Ces femmes sont épanouies dans leur situation mais je pense souvent aux autres mamans qui rêvent d’un temps plein pour finir leurs fins de mois.

Comment je vis ce temps partiel ?

Bon bah vous l’aurez compris, je le vis plutôt bien même les jours où je dois manger des pâtes et supplier ma banquière de ne pas me mettre interdit bancaire…

Mais cela ne m’empêche pas de me poser des questions.

Tout d’abord, est-ce que j’ai bien ma place dans l’entreprise en y étant qu’une partie du temps ? je suis dans une entreprise genre Startup, un modèle qui est sans cesse en ébullition et dans laquelle il se passe tous les jours des choses. Il y a forcément des événements qui m’échappent, des personnes que je connais moins que le petit noyau qui constitue mon équipe. Parfois je me dis que je ne compte pas ou que je compte moins, que je suis un chef à moitié. 

Je peux même culpabiliser de ne pas être présente. Pourtant personne ne m’a jamais rien fait sentir en ce sens puisque j’ai toujours été à temps partiel. Etant quasiment un dinosaure, j’ai toujours imposé aux autres mon statut et force est de constater que cela se passe bien.

J’essaie de concilier disponibilité et fermeté dans mes positions.

Malgré mon temps partiel, j’ai des responsabilités et je manage une équipe. Je suis lucide, c’est une situation assez rare. Parfois je me demande si un jour on ne va pas me reprocher cela. Je paranoïe en me disant que je suis en permanence sur un siège éjectable, que si un jour je change de chef on va me le reprocher…

Pourtant, je croie que ce statut me convient bien car je suis hyper organisée. Je travaille vite, je connais parfaitement mon domaine de compétences et sais transmettre aux autres. C’est aussi pour ça que ma chef actuelle me fait confiance. Mais si un jour cela change, faudra-t-il que je me batte pour faire comprendre ce que je vaux ? A 40 ans on a forcément envie de sérénité…

Car si le temps partiel est très bien vécu, c’est parfois le regard des autres qui fait douter…

Quand tu es un homme, le temps partiel est soit suspect (genre tu es le délégué syndical tire au flanc et planqué), soit au contraire encensé (il a du temps pour faire des activités nobles, genre sportif de haut niveau et personne impliquée dans la société civile).

Quand tu es une femme, c’est en général pour élever tes enfants et donc c’est sans doute parce que tu manques d’ambition, que tu n’as pas envie de faire carrière… Je confirme : ma famille est ma priorité mais j’ai fait des études et j’occupe un poste très intéressant dans lequel je m’investis.

Même au sein de mon foyer, j’ai pourtant déjà eu des remarques désobligeantes du genre «Ca va tu ne travailles pas à temps plein, tu n’es pas fatiguée… » Ce n’était pas méchant et c’est sans doute assez vrai que je suis « moins fatiguée » mais suis-je pour autant moins « occupée » ? Je ne suis pas sûre car à temps plein ou à temps partiel, la fameuse charge mentale est la même.

Au travail, on ne fait pas de cadeau parce que je suis en temps partiel (et c’est tant mieux), je garde la même implication, le même sérieux que j’ai toujours eu même pour mes jobs d’été ou d’étudiante, qui a fait que j’ai toujours été félicitée ou qu’on voulait me garder plus à chaque fois. S’il faut se rendre exceptionnellement dispo en dehors de mes heures habituelles, je le fais avec bon cœur.

A la maison, je fais tout le ménage, la cuisine, les papiers… J’ai la chance d’avoir un mari plein d’énergie qui m’aide beaucoup notamment avec les enfants.

J’ai aussi mes ateliers de massage bébé … et bien sûr le blog.

Je suis à temps partiel mais je suis également multifonctions comme beaucoup de mamans à temps partiel aujourd’hui !

Alors les employeurs, n’ayez pas peur d’accorder le temps partiel à celles et ceux qui vous le demandent, ce ne seront pas de mauvais éléments. A l’inverse, ne sous-estimez pas les capacités de ceux à qui vous proposez des temps partiels. Ils peuvent être investis, brillants ou touchants.

A l’heure où la loi travail est en préparation, j’espère que la vision globale du travail dans notre pays va sortir de certains archaïsmes qui ont la dent dure.





4 commentaires:

Les Petites M a dit…

Oh que oui! Le regard sur le temps partiel, mon fameux mercredi joli, devrait changer... mais non... Le marché du travail change, le code du travail va évoluer... Mais ce qu'on va gagner en souplesse ce sera sûrement au détriment de la stabilité :(
En tout cas, tu es a temps partiel au bureau mais à 100% au boulot, rien à voir!
Et une maman couteau suisse, et ça aussi c'est précieux :)
Des bises

Muriel a dit…

Moi qui doit reprendre le travail en travail en septembre, je suis en plein réflexion... Dans quel type d'entreprise? A temps complet? A temps partiel? bref, tout se bouscule même si comme toi peu importe le temps passé au travail, tant qu'on s'investit à fond, c'est le principal...

Sweet mum (en pleine réflexion)

Madame a dit…

Aujourd'hui même j'ai été me présenter dans mon nouvel etablissement et j ai demandé mon mercredi, et oui, une fois encore j ai entendu "vous vous investierez davantage lorsqu'ils seront grands"
Et j en suis triste car l'un n'empêche pas l'autre, je suis productive lorsque je ne me sens pas frustrée dans mon rôle de maman et inversement je ne pourrai pas ne pas travailler...
Difficile d'avoir à justifier ses choix et ce n'est pas normal en 2017
Ton article est très beau, même à temps partiel tu dois apporter énormément à ta boite et je sais à quel point tu es aimée, nous sommes toutes unanymes pour dire que tu es une femme douce, intelligente... Il faudrait être fou/folle pour faire sans toi, même si tout évolue le monde entier adore les dinosaures
Bisous

Kid Friendly a dit…

Je suis assez agacée et attristée de voir que les mentalités des employeurs ont peu évolué sur le sujet (oui je te confirme que ta situation professionnelle où les choses sont bien acceptées et où le donnant-donnant prédomine est rare). J'ai postulé pour un job dans le groupe et on m'a répondu qu'à 80 % ça allait poser problème. Alors que dans les faits ma charge de travail n'a jamais vraiment été adaptée à mon 80%. J'ai aussi entendu que le 80% c'était pour les mères parce qu'on ne pouvait pas leur refuser (sous-entendu les reloues !). Il serait temps que les choses changent...